Synthèse Exécutive
Le marché des services numériques (IT, ingénierie, support) fait face à une crise de conformité systémique. Un « marché gris » croissant d’acteurs non-structurés – incluant de faux freelances en France et en Europe, ainsi que des profils non déclarés dans d’autres juridictions – concurrence de manière déloyale l’ensemble des entreprises éthiques.
Le cadre légal français, conçu pour endiguer ce phénomène, produit un effet paradoxal. En se concentrant sur les structures visibles, il pénalise l’ensemble des acteurs conformes (français ou étrangers) qui investissent dans l’emploi et la conformité sociale.
Pire, cette situation crée une double discrimination pour les partenaires nearshore éthiques, tels que Full Remote Factory à Tunis. Non seulement nous subissons la même concurrence déloyale, mais nous sommes en plus massivement freinés par un amalgame qui nous associe à ce « marché gris », nous infligeant une « présomption de non-conformité » basée sur notre géographie. En clair nous sommes interdis sur tous les jobboard
1. Le Cadre Légal : Une Intention Protectrice, une Application Dévoyée
Pour comprendre le paradoxe, il faut d’abord comprendre la loi. Le droit du travail français est, à juste titre, conçu pour protéger le salarié. Il interdit formellement deux pratiques :
Le Prêt de Main-d’œuvre Illicite (Art. L.8241-1) : Interdit de fournir un salarié à une entreprise cliente si cela cause un préjudice au salarié ou élude l’application de la loi. Le prêt de main-d’œuvre n’est autorisé que dans un cadre très strict (ex: travail temporaire, portage salarial), avec un but non-lucratif (ou lucratif très encadré).
Le Marchandage (Art. L.8231-1) : Interdit toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’œuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié (salaire, conditions de travail, etc.) ou d’éluder les obligations légales.
L’objectif est légitime : Éviter que des entreprises ne « fassent du profit » sur le dos des travailleurs en agissant comme de simples intermédiaires sans valeur ajoutée, sans les protéger ni payer les charges afférentes.
L’application paradoxale : Les organismes de contrôle (URSSAF, Inspection du Travail) concentrent, logiquement, leurs efforts sur les structures visibles et déclarées. Une ESN française ou un partenaire étranger structuré est une cible d’audit facile. En revanche, un individu opérant sans statut est, par définition, invisible aux radars.
2. L’Ennemi Commun : Un « Marché Gris » Universel et Polymorphe
Le véritable problème du marché n’est pas le sourcing structuré, c’est la fraude non-structurée. Cette concurrence déloyale est universelle et prend plusieurs formes :
En France (Fraude « Interne ») :
Faux Freelances : Des individus utilisant un statut de micro-entrepreneur pour masquer une relation de salariat déguisé, sans payer les charges d’un CDI.
Travail Dissimulé : Des prestations « au noir » pures et simples.
À l’International (Fraude « Externe ») :
Acteurs de Plateforme Non-Déclarés : Une masse croissante de profils (issus de toutes zones : Maghreb, Europe de l’Est, Océan Indien…) sans aucune existence légale.
Leurs Méthodes : Rémunération directe (PayPal, Wise, crypto), absence totale de facture conforme (sans TVA, sans identifiant légal), aucune couverture sociale ni dans le pays d’origine, ni en France.
Conséquences : Dumping tarifaire massif (ils n’ont ni charges sociales, ni impôts, ni coûts de structure), précarisation des travailleurs, et perte sèche de recettes fiscales pour tous les États.
3. Impact n°1 (La Pénalité Partagée) : Les Acteurs Éthiques dans le même Sac
Face à ce « marché gris », tous les acteurs éthiques sont pénalisés, qu’ils soient à Paris ou à Tunis.
L’ESN Française Éthique : Elle emploie ses salariés en CDI de droit français, paie l’intégralité des charges URSSAF (souvent +40% du salaire brut), investit dans la formation, les locaux, et le management.
L’Acteur Nearshore Éthique (ex: Full Remote Factory à Tunis) : Il emploie ses salariés en CDI de droit tunisien, paie l’intégralité des charges sociales locales (CNSS), investit dans la formation, un environnement de travail sécurisé, et le management de la qualité.
Ces deux acteurs ont des coûts de structure et de conformité que le « marché gris » ignore totalement. La loi française, en se focalisant sur le risque de marchandage, met une pression administrative et juridique sur ces deux acteurs, les forçant à justifier en permanence la nature de leur prestation (via des régies forfaitisées, des comités de pilotage, etc.).
Pendant ce temps, le fraudeur non-déclaré, n’ayant aucune existence légale, n’est jamais inquiété par ces articles de loi.
4. Impact n°2 (La Double Discrimination) : L’Amalgame Géographique
C’est ici que le bât blesse spécifiquement pour nous, à Tunis. En plus de la pénalité partagée (la concurrence déloyale du « marché gris »), nous subissons une discrimination systémique que l’ESN française ne subit pas.
Le marché français, par crainte du risque juridique, opère un amalgame dévastateur :
Il ne fait pas la différence entre « l’acteur du marché gris basé à l’étranger » (le fraudeur sans statut payé sur PayPal) et « l’entreprise de service éthique basée à l’étranger » (Full Remote Factory, société légale payant ses charges à Tunis).
Pour un donneur d’ordre français ou une plateforme de mise en relation, notre localisation à Tunis nous fait basculer, par défaut, dans la case « risque ». Notre accès au marché est massivement freiné, non pas par une analyse de notre structure (qui est éthique), mais par une présomption de non-conformité basée sur notre géographie.
Nous sommes donc doublement pénalisés :
Économiquement : Par la concurrence déloyale du « marché gris » (comme nos confrères français).
Stratégiquement : Par le blocage de notre accès au marché, dû à un amalgame qui nous confond avec ce même « marché gris ».
5. Analyse Comparative : La Distorsion du Marché en Pratique
Le tableau suivant modélise cette absurdité. Le système ne récompense ni la conformité ni la compétitivité, il récompense l’opacité et le statu quo historique.
| Modèle Opérationnel | Gouvernance & Conformité | Structure de Coûts | Accès au Marché Français | Perception du Risque (Client) |
| ESN Française Éthique | Élevée (France) | Élevé | Fluide | Faible (Installé) |
| « Marché Gris » Universel (Faux freelance FR, non-déclaré…) | Nulle | Nul | Élevé (via plateformes) | Élevé (mais masqué) |
| Partenaire Nearshore Éthique (FRF Tunis) | Élevée (Pays d’origine) | Compétitif | MASSIVEMENT FREINÉ | Élevé (par amalgame) |
6. Recommandation : De la Logique de Géographie à la Logique de Preuve
Nous n’appelons pas à la dérégulation. Nous appelons à une régulation plus intelligente, fondée sur la preuve et non sur le préjugé.
La lutte contre la fraude doit cibler les acteurs réellement non-conformes (Français ou étrangers), et non pénaliser par amalgame des structures éthiques qui représentent une solution de compétitivité saine.
Exiger la Preuve de Conformité Universelle : Les donneurs d’ordre et les plateformes doivent exiger de tous leurs partenaires, quelle que soit leur localisation, la preuve de leur existence légale et de leur conformité sociale.
Établir une « Due Diligence » Équivalente :
Pour un acteur français : Fournir un Kbis de moins de 3 mois et une Attestation de vigilance (URSSAF).
Pour un acteur tunisien : Fournir un RNE (Registre National des Entreprises) et une Attestation d’affiliation et de paiement de la CNSS (Caisse Nationale de Sécurité Sociale).
Valoriser la Prestation Supervisée : La loi et la jurisprudence doivent reconnaître qu’une prestation managée et supervisée par une entreprise (française ou tunisienne), qui assume ses obligations d’employeur, n’est PAS du marchandage, mais une prestation de service légitime créatrice de valeur.
Conclusion : Mettre Fin à une Injustice Structurelle
Le statu quo est intenable. Il favorise le « marché gris » universel, pénalise les entreprises éthiques françaises, et discrimine doublement les partenaires nearshore structurés comme nous ou les ESB Tunisiennes en général.
Full Remote Factory ne demande aucun traitement de faveur. Nous demandons la fin de l’amalgame. Nous exigeons d’être jugés sur des preuves tangibles de notre conformité qui est totale et sur la qualité de notre service. Le marché français a besoin de partenaires fiables et compétitifs ; nous sommes cette solution, mais le système actuel nous empêche structurellement de le prouver.
